Perte du triple A du Royaume-Uni
La dégradation de l'économie britannique par Moody's remet en cause la politique d'austérité budgétaire du gouvernement Cameron.
Par Florentin Collomp - lefigaro.fr - Publié le 23/02/2013 -
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La perte du triple A britannique est un camouflet pour la politique économique du gouvernement de David Cameron entièrement tournée vers la préservation de cette notation. Le plan drastique d'austérité budgétaire appliqué depuis deux ans et demi était notamment justifié par l'objectif de conserver une capacité d'emprunter à bon marché. Las, l'agence américaine Moody's a dégradé vendredi soir la note britannique d'un cran de AAA à AA1, pour la première fois depuis 1978, en raison de perspectives de croissance faibles et d'un retard dans la réduction du déficit.
Moody's souligne «la faiblesse continue des perspectives de croissance du Royaume-Uni à moyen terme» et prévoit une «période atone qui va s'étendre à la seconde moitié de la décennie». Elle pointe du doigt les «difficultés» posées par cette stagnation pour le plan d'assainissement budgétaire du gouvernement, qui devra se prolonger au-delà des élections de 2015. Et, en conséquence, Moody's souligne la menace croissante sur la dette et la vulnérabilité accrue des
finances publiques du pays «qui a peu de chance de s'inverser avant 2016».
«Le désendettement a étouffé la croissance.»
L'agence de notation place le Royaume-Uni sous perspective stable et souligne toutefois la solidité de l'
économie du pays «hautement compétitive» et «bien diversifiée». Mais ses concurrentes Standard and Poor's et Fitch l'ont récemment placée sous surveillance négative et pourraient la dégrader à leur tour. Selon le FMI, la dette publique britannique devrait se creuser en 2013 pour atteindre 93,3% du PIB.
Le chancelier de l'Echiquier, George Osborne, a accusé le coup. «Loin d'affaiblir notre résolution à appliquer notre plan de redressement économique, cette décision la redouble», a-t-il réagi. Pourtant, l'argumentation de Moody's met en évidence le lien entre la politique d'austérité et l'absence de croissance. «Il y a principalement un processus de désendettement du secteur privé et public qui a sans aucun doute étouffé la croissance», estime Sarah Carlson, analyste en chef de Moody's pour la Grande-Bretagne. Elle souligne l'inflation élevée qui pèse sur les ménages.
Le Royaume-Uni flirte avec une troisième récession en quatre ans, après avoir enregistré un nouveau recul de son activité au dernier trimestre 2012. Le gouvernement rejette la responsabilité sur les difficultés de la zone euro mais des critiques de plus en plus vives se concentrent sur sa politique économique.
Nécessité d'un «plan B»
«Cette dégradation est un désaveu humiliant pour un premier ministre et un chancelier qui assuraient que préserver notre notation AAA était la preuve de leur crédibilité économique et politique», condamne Ed Balls, responsable des questions économiques au Parti travailliste. Alors que le gouvernement doit présenter son budget en mars, le député d'opposition l'implore de «prendre des mesures d'urgence pour relancer notre
économie et réaliser que nous avons besoin de croissance pour réduire le déficit».
A la fin de l'année dernière, George Osborne avait reconnu qu'il n'atteindrait pas ses objectifs de réduction du déficit. Il avait annoncé compter sur les recettes de la vente de réseaux de téléphonie mobile 4G pour combler le trou, mais celles-ci, réalisées cette semaine, ont atteint un niveau inférieur d'un milliard de livres à celui estimé. La décision de Moody's devrait, au-delà des critiques de l'opposition, semer le trouble au sein même de la coalition gouvernementale entre conservateurs et libéraux-démocrates. De nombreuses voix s'élèvent depuis des mois pour la mise en place d'un «plan B».